Séance thématique : « Traitements de substitution aux opiacés »
Étude du mécanisme des overdoses aux opioïdes : apport de l’expérimental à la cliniqueMechanisms of opioid-induced overdose: Experimental approach to clinical concerns

https://doi.org/10.1016/j.pharma.2009.06.005Get rights and content

Résumé

L’overdose désigne un effet, l’intoxication par opioïde, et un mécanisme, le surdosage. De façon surprenante, la compréhension physiopathologique de cette complication grave reste très limitée. Dans le cadre des polyconsommations, notre approche a été triple : (1) améliorer les connaissances de la toxicité respiratoire aiguë de ces médicaments ; (2) préciser les mécanismes des interactions médicamenteuses ; (3) identifier des facteurs de variabilité et de vulnérabilité. La veille sanitaire et l’étude clinique des intoxications en réanimation a confirmé l’existence d’intoxications par la buprénorphine de mécanisme plus complexe que la simple overdose et surtout de gravité moindre que l’overdose à l’héroïne en posant la question de l’innocuité relative de la méthadone. Des études expérimentales ont permis de répondre à certaines interrogations soulevées par la clinique mettant aussi en évidence quelques discordances. Les opioïdes à doses pharmacologiques diminuent la réponse ventilatoire au CO2 mais celle-ci n’explique pas la morbimortalité des intoxications aux opioïdes. Les mécanismes de morbimortalité toxique des opioïdes sont différents. La buprénorphine à des doses proches de sa DL50, n’induit pas d’insuffisance respiratoire définie par une baisse de la PaO2 qui est provoquée par l’association à une benzodiazépine, le flunitrazépam. L’interaction délétère n’apparaît pas avec d’autres benzodiazépines, sauf une très forte dose de nordiazépam. L’interaction apparaît de nature pharmacocinétique, métabolique. La méthadone induit une hypoxémie dose dépendante, précédant l’hypercapnie et des modifications significatives et particulières de la ventilation de repos. Nous étudions les relations entre les perturbations de l’hématose et de la ventilation de repos et les différents types de récepteurs opiacés.

Summary

The widely used term “overdose” denotes a toxic effect: opioid-induced intoxication and a mechanism: the poisoning results only from an overdose. Surprisingly, our understanding of the pathophysiology of this deadly complication is limited. In drug users, we attempted to: (1) improve knowledge of drug-induced respiratory effects; (2) clarify the mechanisms of drug interactions; (3) identify factors of variability and vulnerability. A prospective study of opioid overdoses confirmed that poisonings involving buprenorphine do exist. However, the mechanisms of buprenorphine poisoning are more complex than only an overdose, particularly the severity is less than that induced by heroin. In contrast, methadone overdose is life-threatening. Experimental studies addressed several clinical questions and also showed limited discrepancies. At pharmacological doses, opioids decrease the ventilatory response to CO2. However, this effect does not account for the morbimortality of opioid poisonings. The mechanisms of opioid-induced morbimortality are different. Buprenorphine at doses near its median lethal dose did not induce acute respiratory failure as defined by a decrease in the partial pressure of oxygen in arterial blood (PaO2). In contrast, the combination of buprenorphine with flunitrazepam results in a decrease in PaO2. This harmful interaction does not exist with other benzodiazepines in the rat, except for very high doses of nordazepam. The interaction results from a pharmacokinetic process. In contrast, methadone causes a dose-dependent decrease in PaO2, even significant before hypercapnia. We are assessing the relationships between on one hand alterations of ventilatory pattern and of arterial blood gas and on the other hand the different types of opiate receptors in the rats.

Section snippets

Veilles sanitaires des intoxications

En raison du développement de l’usage du Temgésic® et de l’évidence du développement des polyconsommations nous avions mis en place en 1995 un programme de détection urinaire des substances pour tout syndrome opiacé admis en réanimation toxicologique à l’hôpital Fernand-Widal. Le syndrome opiacé est composé d’une triade associant troubles de la conscience, bradypnée, voire apnée et myosis. Il possède une forte valeur prédictive clinique vis-à-vis de la prise de produits à action

Problèmes d’interprétations des résultats

Il faut souligner l’extrême difficulté dans l’établissement d’une relation causale entre, d’une part, un effet observé qui peut être soit la découverte d’un sujet décédé, soit d’un syndrome opioïde et, d’autre part, des principes actifs détectés dans les urines ou des concentrations sanguines mesurées. C’est ainsi qu’une étude rétrospective a été réalisée sous la direction du Pr Ricordel, chef du laboratoire de toxicologie de la préfecture de police, portant sur les cas de décès avec détection

Overdose ou surdose aux opioïdes

Parler d’overdose, de surdose aux opioïdes, pose un problème nosologique. En effet, le terme d’overdose signifie à la fois une maladie et un mécanisme ; une maladie, l’existence d’un syndrome opioïde et un mécanisme, le surdosage. Le terme d’overdose pose la question de savoir si la toxicité des opioïdes n’est que dose dépendante. L’effet dépresseur respiratoire de la méthadone à dose thérapeutique est connu depuis longtemps. Il avait été mis en évidence par Santiago dès 1977, qui avait montré

Buprénorphine

À partir de tels résultats, il devenait nécessaire de séparer, au moins pour un temps, l’étude des mécanismes de toxicité respiratoire induits par la méthadone de ceux induits par la buprénorphine. Il apparaissait urgent de préciser les mécanismes de toxicité de la buprénorphine. Possédant un modèle reproductible, nous avons dans un premier temps étudié l’interaction de la buprénorphine avec d’autres benzodiazépines. En effet, la fréquence de l’association de substances psychoactives au cours

Méthadone

Ces études nous ont encouragés à préciser la toxicité intrinsèque de la méthadone. Après détermination de sa DL50 chez le rat mâle Sprague-Dawley, nous nous sommes intéressés à la relation dose–effet dans un éventail de dose allant de 8 à 80 % de la DL50. Ce modèle expérimental montre un effet seuil de la méthadone sur la PaCO2 avec augmentation de celle-ci seulement pour la dose égale à 80 % de la DL50. En revanche, il existe une diminution dose dépendante, sans effet seuil, de la PaO2. Ces

Conclusion

Compte tenu de la complexité et de la diversité des mécanismes mis en jeu, le terme d’intoxication opioïde apparaît plus approprié que celui de surdosage opioïde. Lors de surdosages, certains opioïdes, tels la méthadone, ont une toxicité dose dépendante, d’autres, comme la buprénorphine, n’ont pas de toxicité dépendante de la dose. Certaines benzodiazépines peuvent faire apparaître cette toxicité (buprénorphine) ou l’augmenter (méthadone). Dans l’interaction opioïdes–benzodiazépines, il existe

Conflits d’intérêts

Aucun.

Remerciements

Je souhaiterais exprimer mes sincères remerciements à mes collaboratrices, techniciennes Inserm, Mme Patricia Risède et notre très regrettée Claire Monier, sans lesquelles ces travaux n’auraient jamais vu le jour et à mes collaborateurs, étudiants, qui ont concrétisé ces hypothèses dans leurs thèses soutenues brillamment : Mmes les Dr Gueye, Pirnay, sans oublier le Pr Mégarbane. Une pensée à Melle Chevillard dont les résultats sont particulièrement prometteurs et qui soutiendra sa thèse cette

Références (28)

  • P.N. Gueye et al.

    Trends in opiate and opioid poisonings in addicts in north-east Paris and suburbs, 1995–99

    Addiction

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  • A. Tracqui et al.

    Buprenorphine-related deaths among drug addicts in France: a report on 20 fatalities

    J Anal Toxicol

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  • M. Auriacombe et al.

    Deaths attributable to methadone vs buprenorphine in France

    JAMA

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  • S. Pirnay et al.

    A critical review of the causes of death among post-mortem toxicological investigations: analysis of 34 buprenorphine-associated and 35 methadone-associated deaths

    Addiction

    (2004)
  • Cited by (14)

    • Cocaine added to heroin fails to affect heroin-induced brain hypoxia

      2020, Brain Research
      Citation Excerpt :

      It has been found that one in five heroin overdose deaths also involved cocaine (Warner et al., 2016). Since respiratory depression followed by brain hypoxia is the most dangerous effect of opioid drugs (Baud, 2009; Dahan et al., 2005; Jaffe et al., 1997; Pattinson, 2008), this study was designed to examine how brain hypoxic effects of heroin are affected by co-injected cocaine. Similar to our previous studies (Solis et al., 2017a,b; Solis et al., 2018a,b), drug-induced effects on brain oxygen were assessed by directly monitoring oxygen levels in the NAc by using oxygen sensors coupled with high-speed amperometry in freely moving rats.

    • Interactions of benzodiazepines with heroin: Respiratory depression, temperature effects, and behavior

      2019, Neuropharmacology
      Citation Excerpt :

      Opioids are important therapeutic drugs that alleviate pain of different origins, but these drugs have strong addictive properties and their abuse can result in serious health complications and death (Compton et al., 2016; McLaughlin, 2017). While opioids induce multiple physiological effects, respiratory depression, which results in brain hypoxia, appears to be the most dangerous one (Baud, 2009; Jaffe et al., 1997; Simon, 1997). This effect is minor and can be controlled following therapeutic use of opioid analgesics, but it can be robust and life-threatening when highly potent opioids such as heroin or fentanyl are administered intravenously at higher doses (Solis et al., 2017b, 2018).

    • Respiratory depression and brain hypoxia induced by opioid drugs: Morphine, oxycodone, heroin, and fentanyl

      2019, Neuropharmacology
      Citation Excerpt :

      As shown in latter study, centrally administered oxycodone was 2–3-fold less potent than morphine and its effects were shorter than those for morphine. Respiratory depression appears to be a basic effect of all μ-opioid receptor agonists (Baud, 2009; Jaffe et al., 1997; Simon, 1997). As shown above, each of four opioids considered in this review decreased NAc oxygen levels, indicating brain hypoxia.

    • Robustness of arterial blood gas analysis for assessment of respiratory safety pharmacology in rats

      2016, Journal of Pharmacological and Toxicological Methods
      Citation Excerpt :

      Morphine, oxycodone and fentanyl all produced decreases in oxygen tension, saturation and pH as well as an increase in CO2 tension. In line with previous reports (Chevillard, Megarbane, Risede, & Baud, 2009; Kuo, Wyse, Meutermans, & Smith, 2015; Meert & Vermeirsch, 2005), the profile of each compound is unique, although general trends can be drawn for morphine, fentanyl, hydrocodone and oxycodone. In contrast, the profile for buprenorphine is inherently distinct from the other opioids tested; buprenorphine produced a hypoxia consistent with literature reports (Chevillard, Megarbane, Risede, & Baud, 2009) although the magnitude of effect was low and the variability was high.

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    Communication présentée à l’Académie de pharmacie lors de la séance thématique : « Traitements de substitution aux opiacés » du 28 janvier 2009.

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