Elsevier

Neurochirurgie

Volume 54, Issue 3, May 2008, Pages 174-184
Neurochirurgie

Rapport 2008 : Traitements chirurgicaux de l’épilepsie Évolution des techniques d’EEG et de traitement du signal
Le concept de réseau épileptogène dans les épilepsies partielles humainesThe concept of an epileptogenic network in human partial epilepsies

https://doi.org/10.1016/j.neuchi.2008.02.013Get rights and content

Abstract

An anatomical and functional model of drug-resistant partial seizures is presented and discussed based on research conducted by our team over the last decade.

This research is based on the study of intracerebral stereoelectroencephalography (SEEG) recordings in an attempt to identify the neural networks involved in generating paroxystic activities so as to understand their dynamics in space and time, and to propose targeted therapies that could “control” these networks. Today, the classical notion of epileptic focus should be replaced by a more complex model that takes into account the potential interactions within the neuronal networks involved in seizures. During partial epileptic seizures, the cerebral structures involved are the seat of characteristic oscillations that may be synchronized or, on the contrary, that can desynchronize in a transitory manner. These epileptic rhythms disturb the physiological rhythms that underlie the cognitive and emotional processes, which can thus be altered in partial epilepsy, even if located far from the original discharge site.

We suggest that seizures originate in a group of structures that are highly epileptogenic (epileptogenic zone network, [EZN]) whose activity is synchronized before the appearance of fast oscillations that are transitorily desynchronized. Later, other cortical and subcortical structures are the seat of slower, synchronized rhythmic modifications (propagation network, [PN]). The emergence of clinical signs in the seizure depend on these phenomena, which in some cases can mimic a normal cognitive process or, on the contrary, lead to a deep rupture in normal cerebral functioning.

Résumé

Un modèle d’organisation anatomofonctionnelle des crises partielles pharmacorésistantes est présenté et discuté sur la base des travaux effectués depuis une dizaine d’année dans notre équipe.

Ces travaux sont basés sur l’étude des enregistrements stéréo-électro-encéphalographiques (SEEG) intracérébraux et ont pour but d’identifier les réseaux neuraux impliqués dans la génération des activités paroxystiques et d’en comprendre la dynamique spatiale et temporelle. Le but est de proposer à terme des gestes thérapeutiques ciblés susceptibles de « contrôler » ces réseaux. À la notion classique de foyer épileptique, doit être substitué aujourd’hui un modèle plus complexe prenant en compte les interactions potentielles au sein des réseaux neuraux impliqués dans les crises. En effet, au cours des crises épileptiques partielles, les structures cérébrales impliquées sont le siège d’oscillations caractéristiques qui peuvent se synchroniser ou au contraire se désynchroniser transitoirement. Ces rythmes épileptiques perturbent les rythmes physiologiques qui sous-tendent les processus cognitifs et émotionnels qui peuvent ainsi être altérés dans une épilepsie partielle, même à distance du site d’origine de la décharge.

Nous proposons que les crises naissent dans un ensemble de structures hautement épileptogènes (réseau de la zone épileptogène, [RZE]) dont l’activité se synchronise avant l’apparition d’oscillations rapides qui se désynchronisent transitoirement. Dans un deuxième temps d’autres structures corticales et sous-corticales sont le siège de modifications rythmiques plus lentes qui se synchronisent (réseau de propagation, [RP]). L’émergence d’une sémiologie clinique dans la crise dépend de ces phénomènes qui peuvent dans certains cas « mimer » un processus cognitif normal ou au contraire entraîner une rupture profonde dans le fonctionnement cérébral normal.

Introduction

Les épilepsies partielles sont caractérisées par des crises épileptiques naissant d’une région pathologique, hyperexcitable, du cortex cérébral appelée Zone Epileptogène (ZE). Les causes de cette hyperexcitabilité restent encore grandement méconnues dans leurs mécanismes et relèvent d’étiologies diverses, en rapport ou non avec une lésion focale identifiée.

Depuis de nombreuses années, des efforts sont faits pour comprendre l’organisation anatomofonctionnelle de la ZE et, d’une façon plus générale, pour identifier les régions cérébrales impliquées dans les décharges épileptiques.

Cet objectif est, en effet, crucial dans le cadre de la chirurgie de l’épilepsie et dans cette perspective, la localisation dans l’espace cérébral des activités pathologiques caractérisant une épilepsie partielle est fondamentale. Elle constitue l’objectif essentiel du bilan « préchirurgical » (Bartolomei et al., 2002a).

Si dans certains cas les rapports entre la ZE et les fonctions cérébrales normales sont relativement simples à appréhender, il reste évident que de nombreuses inconnues persistent quant à l’organisation anatomique et fonctionnelle de la ZE elle-même et de l’influence, sur le reste des structures cérébrales, de l’activité épileptique qu’elle génère. C’est pourtant là un point crucial pour améliorer le pronostic de la chirurgie et conduire à de nouvelles thérapeutiques.

Les difficultés sont en grande partie liées à la complexité des phénomènes épileptiques dont l’analyse requiert des méthodes possédant des résolutions temporelle et spatiale élevées et capables d’explorer l’espace cérébral dans ses trois dimensions.

La méthode stéréoélectroencéphalographique (SEEG) permet d’aborder directement les structures cérébrales potentiellement impliquées dans les crises (Talairach et al., 1974). Basée sur le recueil des signaux EEG à partir d’électrodes intracérébrales (grâce aux systèmes d’acquisition vidéo-EEG numériques possédant un nombre important de canaux d’enregistrement), elle donne un accès direct aux structures néocorticales comme aux structures plus profondes et permet d’explorer les points clés d’un système fonctionnel avec une résolution temporelle suffisante (de l’ordre de la milliseconde, c’est-à-dire meilleure que celle fournie par les systèmes d’imagerie cérébrale fonctionnelle). C’est sur la base de l’enregistrement simultané de différentes structures cérébrales qu’est né le concept de « réseau épileptogène » sous l’impulsion des travaux de (Bancaud et al., 1970) puis de leurs élèves (Chauvel et al., 1987). Ce concept, qui d’une certaine manière s’oppose à celui plus ancien de « foyer épileptique » (Rosenow et Luders, 2001) est maintenant mieux accepté en épileptologie (Spencer, 2002). En effet, dans les signaux SEEG, il est habituel d’observer qu’une crise partielle met en jeu simultanément plusieurs structures corticales soit à son début, soit dans son évolution temporelle et selon un mode dont la reproductibilité est tout à fait remarquable (Wendling et al., 1997).

Les travaux effectués ces dernières années dans notre groupe ont d’abord eu pour but de valider ce concept en essayant de quantifier les phénomènes observés. Ils ont permis de montrer qu’une épilepsie partielle était caractérisée par un réseau d’ensembles neuraux, distribués dans différentes structures cérébrales, reliés entre eux par des liens privilégiés (anormalement renforcés) et capables de générer des activités électriques anormales qui vont se synchroniser et/ou se désynchroniser transitoirement lors des crises. Ces travaux ont donné lieu au développement de méthodes d’analyse des signaux SEEG susceptibles de renseigner sur la dynamique spatiale et temporelle des activités paroxystiques (intercritiques et critiques). Par exemple, sur les signaux SEEG critiques, l’analyse des rythmes et de leurs transitions fournit des informations sur le décours temporel de la crise alors que l’analyse des corrélations entre voies permet d’appréhender les phénomènes de synchronisation et de désynchronisation et donc d’interpréter les interactions entre les structures impliquées. Ces informations sont ensuite utilisées pour identifier, au moins partiellement, le/les réseaux épileptogènes chez un patient donné et pour comprendre l’organisation de sa ZE, étape cruciale dans la définition du geste chirurgical.

Nous limiterons nos propos ici aux activités critiques, tout en sachant que de tels réseaux peuvent être mis en évidence pour les activités intercritiques (Badier et Chauvel, 1995) (Bourien et al., 2004).

Section snippets

Bases anatomiques et fonctionnelles des réseaux épileptogènes

Notre approche de la physiopathologie des épilepsies partielles humaines s’est inspirée largement des progrès considérables des neurosciences en matière d’imagerie fonctionnelle et de neurophysiologie notamment. On considère maintenant que les fonctions cognitives nécessitent la participation coordonnée de plusieurs régions cérébrales intégrant à la fois des phénomènes locaux et des phénomènes plus globaux mettant en jeu des connexions entre structures éloignées (Bressler, 2002). Cette notion

Organisation en réseaux épileptogènes des crises partielles

La zone épileptogène fut définie par Bancaud et al., 1965 sur la base des enregistrements intracérébraux comme le site primaire à l’origine des décharges critiques. Cette notion venait compléter les notions de zone lésionnelle et de zone irritative définies par Jasper, 1954. Ces concepts restent très largement utilisés pour définir chez un patient donné, les différentes régions pathologiques et pour définir ainsi les limites d’une résection chirurgicale.

Plus récemment nous avons proposé que ces

Exemple des crises temporales

Les crises du lobe temporal représentent un contexte de travail particulièrement intéressant dans le cadre de cette notion de réseaux épileptogènes. La classification usuelle des crises et épilepsies temporales repose sur une dichotomie entre les épilepsies médiales (MTLE) dont la zone épileptogène implique les structures limbiques médiales et les épilepsies latérales (LTLE) dans lesquelles la zone épileptogène est limitée à une région du néocortex temporal (Williamson et al., 1998).

Interaction dans les systèmes de propagation (RP), relation avec la semiologie des crises

Le phénomène corrélation–décorrélation, qui paraît essentiel dans le RZE semble surtout lié à la présence de rythmes rapides. Les structures impliquées secondairement, quant à elles, ont une activité faite généralement d’oscillations plus lentes (théta, alpha) et qui ont surtout la propriété d’être corrélées (« synchronisées ») souvent sur de longues distance. À notre connaissance, peu de travaux ont étudié ce phénomène. Par ailleurs, le rôle de structures sous-corticales pouvant intervenir

Conclusion

Au concept classique (mais un peu simpliste) de « foyer » se substitue progressivement celui de « réseau » qui rend mieux compte des propriétés de distribution spatiale et d’organisation temporelle des processus épileptiques observés, par exemple, avec des techniques d’exploration intracérébrale ayant une résolution temporelle adaptée. Ce concept est également plus proche des connaissances actuelles sur le fonctionnement cortical normal.

Basé sur ce concept, nous avons décrit un modèle

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    • Modeling of intracerebral interictal epileptic discharges: Evidence for network interactions

      2018, Clinical Neurophysiology
      Citation Excerpt :

      The clinical assessment of SEEG recordings is primarily aimed at identifying the brain area that is responsible for the seizures of the patient, the so-called seizure onset zone (SOZ). Knowledge of the location of the SOZ and its relation to functional areas, as well as seizure propagation pathways, is crucial for the surgical treatment of drug-resistant epilepsy patients (Bartolomei et al., 2008). To record sufficient seizure activity, long term video-SEEG recording is performed, which is labor-intensive and time-consuming.

    • Sleep-related epileptic behaviors and non-REM-related parasomnias: Insights from stereo-EEG

      2016, Sleep Medicine Reviews
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      By providing direct access to the cortex as well as the deeper structures, S-EEG recordings in epileptic patients allow an anatomically precise “in vivo” study of localized cortical structures and neural networks. Such studies have helped define the clinical concept of the epileptogenic network [29,30] and enabled the characterization of the frontal and extra-frontal networks involved in sleep-related epilepsies [31–36]. S-EEG has also provided novel human data on the local pathological, paraphysiological and physiological activity of different cortical and subcortical structures during the different states of the sleep-wake cycle [37–52].

    • Ictal infraslow activity in stereoelectroencephalography: Beyond the "DC shift"

      2016, Clinical Neurophysiology
      Citation Excerpt :

      Thus, while there may be a localizing edge to ictal ISA, it may also manifest the epileptogenic network from which seizures emerge. Stereoelectroencephalography (SEEG), as a methodology, is predicated on the concept that seizures propagate through interconnected brain regions in three-dimensional space (Bancaud and Talairach, 1965; Bartolomei et al., 2008), and as such is amenable to understanding epileptic processes of distributed spatiotemporal extent, either at the level of neurophysiology (Wendling et al., 2010) or as its resultant semiology (Chauvel and McGonigal, 2014). From this paradigm, the apparently widespread nature of ictal ISA might be better understood.

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